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L'acte de peindre

Pourquoi peindre ?

« Je m’en allais les poings dans mes poches crevées 

Mon paletot aussi devenait idéal » (1)

 

Ces vers m’ont toujours accompagné depuis l’enfance et je me les récite à chacune de mes balades. Cela fait déjà quelques décennies que je m’en vais les poings dans mes poches crevées, dans mes rêveries de promeneur solitaire, sur les trottoirs urbains ou les chemins forestiers… C’est là mon privilège, ma bonne fortune et ma joie. Flâner et regarder. Et davantage qu’Ulysse qui revient sur ses pas, je préfère me promener aux côtés d’Abraham qui part sans ne plus jamais regarder en arrière, ne se fiant qu’à la promesse d’une nouvelle terre.

 

Je fus le premier surpris que mes chemins de promenades me conduisent de l’huile à l’encre. Je n’y voyais pas grand intérêt, ayant toujours détesté les techniques à l’eau. Mais voilà, quand l’Esprit souffle, il faut bien admettre qu’Il souffle où il veut. Je me suis ainsi retrouvé brutalement plongé au coeur d’un univers d’eau noire et de papier blanc. Et j’ai aimé. Oui, j’ai profondément aimé cette manière de travailler, mélangeant l’encre et l’eau, sans outils, émerveillé des possibilités infinies que m’offrait ce nouveau monde, un monde simple et enfantin qui est bien le mien.

 

Et pourquoi pas tenter l’aventure en couleurs ? Voir comment se font et se défont les ocres, les rouges, les verts et les jaunes, comment se dissipe la brume pour laisser percer la lumière. C’est ainsi qu’un matin,

« (…) tandis que seul je rêve à la fenêtre,

Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor,

Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,

Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,

Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or ! » (2)

 

Le travail qui vous est présenté exige une concentration extrême. La tension entre une longue préparation spirituelle et la fulgurance du geste obligent à s’ouvrir au présent, sans passé ni futur. Ni retour possible, ni anticipation. L’encre se fige dans l’instantané. Ainsi, sans regrets de l’ancien ou angoisses de l’avenir, « son souffle donne au ciel la sérénité (..) c’est le bruit léger qui nous en parvient » (3).

 

Vous serez peut-être surpris de découvrir que tous les travaux présentés s'intitulent « Paysages » (suivis de deux numéros indiquant l’année et l’ordre de création). C’est que je  souhaitais vous inviter à vous y promener et à y découvrir votre propre chemin. 

 

Pays sages toujours de la sagesse du fou, ils sont là, devant vous.

 

1 Arthur Rimbaud, Ma Bohème, in Cahier de Douai 1870

2  Victor Hugo, « Rêverie », in Les Orientales, 1828

3  Job 26, 13-14, in Bible Louis Segond

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